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Portrait de leader

Le semeur géographe

19 février 2009

Josée Beaudoin

Lorsqu'on demande à Léo Provencher s'il a lui-même étudié là où il enseigne depuis plus de 30 ans, il répond tout de go : «Mon numéro de matricule à l'Université de Sherbrooke, c'est le 63 007 26.» Spécialiste de la photo-interprétation, ce géographe est au Département de géomatique appliquée beaucoup plus qu'un numéro. Malgré toutes les responsabilités qu'on lui a confiées et toutes les réalisations qui marquent sa feuille de route, la modestie du chargé de cours demeure inébranlable. Pour se présenter, il déclinera son numéro de matricule bien avant de se décrire comme un leader.

Coauteur d'une soixantaine de publications et codirecteur d'une trentaine de mémoires de maîtrise, Léo Provencher a su donner le goût de la recherche à ses étudiants de tous les cycles, en plus de participer activement à de nombreux projets de recherche et de vulgarisation. Après avoir assumé durant six ans la responsabilité des programmes de baccalauréat spécialisés en géographie et géographie physique, il est maintenant responsable des programmes de maîtrise.

Et que fait le pédagogue pour tout cumuler et transmettre ses connaissances avec passion depuis tant d'années? «Je fais mon possible, répond-il simplement. Ma préoccupation a toujours été de contribuer du mieux que je pouvais à la formation des étudiants. Dans la mesure du possible, j'essaie de me mettre à leur niveau pour les faire progresser, sans me placer au-dessus de la mêlée. C'est l'approche que j'ai toujours préconisée.»

De l'avis des gens qui le côtoient, dont son collègue de longue date Jean-Marie Dubois, Léo Provencher fait beaucoup plus que son possible. «C'est une personne qui a le souci d'aider par son savoir les personnes qui se présentent à lui, qu'elles soient de l'intérieur de l'Université ou de l'extérieur, dit-il. Il ne ménage pas son temps, et ce bien au-delà des considérations pécuniaires. Sa disponibilité et sa générosité en font une personne très recherchée. Et tout cela, il l'accomplit avec une humilité exemplaire.»

Avec la complicité de ce même collègue, Léo Provencher a publié en 2007 l'œuvre académique de sa vie, fruit de près de 40 ans d'expérience, de 30 ans d'enseignement et d'une quinzaine d'années de réflexion : un manuel d'interprétation de photographies aériennes et d'images satellitaires. «L'accouchement a fini par avoir lieu», dit-il en riant, visiblement fier de cette page tournée.

Photo-interprétation 101

Avant que la photographie aérienne n'existe, la caractérisation du milieu passait obligatoirement par les pieds des géographes. La photo-interprétation s'inscrit comme le premier outil d'observation de la Terre à distance. Avec la télédétection est venu s'ajouter un outil intermédiaire, c'est-à-dire l'ordinateur, qui fait partie du travail analytique des informations contenues dans les images.

La seule prétention de notre humble géographe est que le jugement humain demeurera toujours essentiel. Et qu'observe-t-on avec la photo-interprétation? «Tout ce qui est présent, du milieu physique qu'est la géologie en passant par la géomorphologie, soit les formes du terrain, dit Léo Provencher. Et au-dessus de tout cela, il y a l'occupation humaine des territoires.»

Depuis la création du laboratoire de photo-interprétation de l'Université, voilà près de 20 ans, Léo Provencher en assure le bon fonctionnement et la mise à jour constante. Son travail, jumelé à celui de Jean-Marie Dubois, se traduit notamment par une cartothèque bien garnie comprenant l'ensemble des photographies aériennes qui ont été prises de la région depuis le début de ce type de photos, soit vers 1930. Très peu d'institutions au Québec peuvent se targuer d'avoir une cartothèque aussi étoffée pour retourner dans le temps, histoire de voir comment le paysage a évolué.

Semer l'étincelle scientifique

Parallèlement à ses tâches d'enseignant, Léo Provencher a occupé pendant plus d'une vingtaine d'années la présidence du Conseil du loisir scientifique de l'Estrie, contribuant ainsi à la diffusion de la culture scientifique auprès des jeunes et à l'émergence de nouvelles vocations. L'une des réalisations les plus visibles est certes l'Expo-sciences, qui réunit annuellement des génies en herbe des ordres primaire, secondaire et collégial.

À l'adolescence, Léo Provencher avoue qu'il aurait pu être interpellé par un tel défi scientifique s'il s'était présenté. Faute d'y avoir participé lui-même, il a contribué à la vitalité de l'événement au fil des années et il y demeure lié encore aujourd'hui au niveau de la répartition des prix.

Semer l'asperge

Soucieux d'exploiter la terre qu'il avait achetée dans les années 70 à Weedon, sa ville natale, le géographe s'est lancé avec sa conjointe Micheline dans la culture de l'asperge au début des années 80. «C'est tout à fait par hasard si je suis tombé sur l'asperge parce que, à ce moment-là, je pensais que ça poussait dans une canne!» Comme il était engagé à l'Université de septembre à mai, et que l'asperge se cultive en été, c'est le calendrier qui a déterminé la grande gagnante. Oubliez ici la simple culture pour consommation personnelle… «À une certaine époque, on avait une dizaine d'acres en production et on fournissait le Végétarien», dit-il.

Après tant d'années de culture, les champs méritent un peu de repos, tout comme le producteur d'ailleurs. Cela dit, malgré une diminution de régime, la culture se poursuit et de nouveaux plants ont été semés pas plus tard que l'été dernier. «C'est mon champ de retraite», dit Léo Provencher en riant.

Semer et récolter

En terminant, même s'il est un peu mal à l'aise avec l'hommage qui lui est rendu en cette page, notre leader devra se faire à l'idée; dans les champs comme dans la vie, on récolte toujours ce que l'on sème.